
Whitley's Guide - 890 Jump
Annoncé avant même le début de sa conception, beaucoup pensaient que le 890 Jump ne verrait jamais le jour. Il n’en est pas moins devenu le vaisseau de référence en matière de voyages spatiaux de luxe.

Origin Jumpworks 890 Jump
HISTOIRE DE SON DÉVELOPPEMENT
Cet article a initialement paru dans le magazine Jump Point 11.03.
Durant la quatrième décennie du 29ᵉ siècle, Origin Jumpworks avait consolidé sa réputation d’acteur majeur dans l’industrie florissante des vaisseaux personnels grâce à plusieurs gammes aussi luxueuses qu’accessibles, offrant des alternatives uniques par rapport à ses concurrents. Les modèles Origin, en rupture avec les débuts industriels de l’entreprise, se concentraient principalement sur des vaisseaux monoplaces ou à équipage réduit, chacun d’entre eux renforçant le sentiment que la moindre de ses pièces avait été étudiée avec autant de minutie que les rouages d’une horlogerie classique. Puis, en 2852, le PDG par intérim Kain Yolsen fit une annonce publique qui stupéfia aussi bien les observateurs du secteur que son propre conseil d’administration : Origin allait investir des milliards dans la création d’un “vaisseau amiral de la flotte”. Il précisa que ce vaisseau porterait le nom de “890 Jump”, conformément à cet imprévisible système d’Origin consistant à numéroter ses nouveaux modèles plutôt que de leur attribuer un nom. Avant le développement de ce 890 Jump, les vaisseaux d’affaires haut de gamme étaient un mélange hétéroclite de conversions et de designs sur mesure. Les ultra-riches pouvaient tout autant transformer des croiseurs militaires en surplus que faire construire des coques spécialement conçues à partir de composants de vaisseaux cargo standards. De telles méthodes impliquaient des coûts de centaines de millions de crédits, entraînant invariablement des coûts d’exploitation élevés et une maintenance exigeante, et ne rendant viables ces vaisseaux que pour un infime pourcentage de la clientèle potentielle. Le 890 Jump, annonça Yolsen, allait bouleverser cet état de fait en rendant les vaisseaux d’affaires privés plus facilement accessibles aux très riches et aux ultra-riches.
Le seul problème, c’est qu’il n’y avait pas de 890 Jump. Au moment de l’annonce, aucun travail concret n’avait été entrepris, si ce n’est le constat qu’un tel vaisseau trouverait preneur. Il apparut rapidement que les analystes financiers d'Origin n'avaient pas étudié les coûts de conception et de construction d'un vaisseau d'une taille dépassant largement tout ce qu'ils avaient réalisé jusqu'alors, ni pris en compte les dépenses considérables nécessitées par la mise en place des infrastructures et des chaînes de production. Yolsen ne baissa pas les bras, promettant de mobiliser toutes les ressources d’Origin pour faire du 890 Jump une véritable révolution du voyage spatial de luxe.
Pour définir son apparence générale, Origin écarta ses ingénieurs spatiaux traditionnels et fit appel au designer industriel Hadrian Wells, qui entama son travail en déclarant que le vaisseau “devait paraître aussi à l'aise sur mer que dans les étoiles”. Plus facile à dire qu'à faire en 2852 : les monoplaces n’avaient commencé que peu d’années auparavant à s’affranchir de l’approche du “fonctionnel avant tout”, qui avait défini pendant des siècles les vaisseaux humains. Les véhicules spatiaux tant militaires que civils étaient alors extrêmement modulaires et purement utilitaires, avec des lignes anguleuses conçues pour résister aux dangers extrêmes du vide et s’adapter aux installations portuaires existantes, plutôt que pour impressionner les badauds. L'idée qu'un vaisseau capital de plus de cent mètres puisse être conçu dans une optique autre que purement fonctionnelle était un véritable choc.
L'équipe de développement d'Origin persévéra et élabora en l'espace de 18 mois un plan raisonnable (bien qu’encore coûteux) pour concevoir et construire le 890 Jump. Dès le début, la société investit massivement dans des simulations à grande échelle afin de permettre au vaisseau d'utiliser les infrastructures d'amarrage et les chantiers de réparation existants malgré son esthétique radicalement différente. Le plus gros problème pour l'entreprise fut qu’ici, peut-être pour la première fois dans l'histoire moderne de l'aérospatiale, l'industrie était déjà au courant du projet. Aujourd'hui encore, les constructeurs n'annoncent généralement leurs développements qu’une fois un contrat militaire signé, ou, pour les projets civils, après le premier vol d’un prototype fonctionnel. Le 890 Jump, déjà atypique en soi, prenait forme sous les yeux de concurrents hostiles et d'une presse perplexe. Dès les premiers jours suivant l'annonce de Yolsen, le 890 Jump fut critiqué de toutes parts, qualifié tour à tour de “folie sans issue” et de “gaspillage criminel” des ressources d'une entreprise jusque-là prospère. Rares étaient les manchettes bienveillantes et, à mesure que la construction du prototype principal rencontrait les obstacles habituels, la presse dénonçait le “désastre à 50 milliards” de Yolsen.
En conséquence, l'action d’Origin chuta lourdement, malgré le succès global de toutes ses lignes de production existantes. Puis, un peu plus de deux ans après la première mention du projet, l'entreprise cessa de communiquer sur le 890 Jump et en restructura l'organisation pour le faire entrer dans ce que les mémos internes appelaient “l'horizon des événements”. Tant qu’un premier vaisseau ne serait pas en état de voler, il ne serait plus fait directement mention du 890 Jump. La presse changea aussitôt de ton : là où les journalistes cherchaient auparavant à amplifier d’habituels problèmes de jeunesse en prévisions inquiétantes pour l'avenir d'Origin, ils se mirent à vouloir désespérément connaître le sort du vaisseau. “LE JUMP A-T-IL SAUTÉ ?”, titra un célèbre article de Mars Today, spéculant qu’Origin avait annulé le projet en secret, voire envisageait de transformer le travail déjà accompli en un nouveau type de cargo haut de gamme. Au final, la stratégie d’Origin porta ses fruits : les cours de bourse se stabilisèrent et le 890 Jump s'effaça de la mémoire du public, tandis que se poursuivait en coulisses le long processus de conception et de construction d’un nouveau type de vaisseau spatial et de l’infrastructure apte à le soutenir. En mars 2857, lors d'un événement spécial en orbite terrestre, Origin leva le voile et révéla le prototype de production du 890 Jump devant un public enthousiaste. Avec ses lignes fluides inspirées du nautisme de plaisance, ses fonctionnalités surprenantes et ses caractéristiques techniques inégalées dans sa catégorie, le nouveau design fit immédiatement sensation, et l’opinion bascula du jour au lendemain. Les médias posèrent la même question sous différentes formes : “Est-ce l'avenir des vols spatiaux ?” À l’ouverture des marchés le lendemain, l’action d’Origin atteignit un nouveau sommet et continua de grimper jusqu'à la sortie du 890 Jump l'année suivante. L’entreprise venait apparemment d’accomplir ce que les observateurs avaient jusque-là jugé totalement impossible : construire le vaisseau amiral de luxe haut de gamme promis par Yolsen six ans plus tôt.
Durant les neuf mois qui suivirent, alors que les premiers prototypes passaient les certifications et que les chaînes de montage commençaient à tourner, Origin fit la promotion du vaisseau auprès d'une galaxie qui, craignait-il au départ, n'était pas prête à accepter un design aussi radical. L’entreprise dépensa des sommes considérables pour promouvoir le look unique du 890 Jump, en essayant de l'associer au luxe par tous les moyens habituels : photos sur fond de grands paysages tropicaux, à proximité de phénomènes interstellaires spectaculaires, transportant célébrités et politiques populaires dans un luxe extrême… Leur analyse a posteriori suggéra que cet effort était superflu : le 890 Jump reste d’ailleurs le seul vaisseau Origin dont le budget marketing fut réduit dès les trois premiers mois après son lancement. Les nouveaux propriétaires, remplis d’espoir, étaient pressés de faire connaître ce nouveau vaisseau le plus largement possible autour d’eux, et les précommandes saturèrent rapidement sept années de production. Durant la décennie suivante, Origin eut du mal à suivre la demande : il allait désormais de soi que toute personnalité en vue possédât sa propre plateforme spatiale de luxe.
Tout au long du siècle suivant, Origin continua d'améliorer le 890 Jump sans altérer de manière significative la silhouette originale conçue par Wells. Bien que dix-neuf modèles aient été commercialisés à ce jour (sans compter les dizaines de modèles customisés pour des clients privilégiés), presque tous se sont limités à des modifications mineures visant soit à mettre à niveau la technologie du vaisseau pour l'adapter aux avancées de l’époque, soit à réaménager son intérieur pour rester en phase avec les nouveaux critères du luxe. Origin continua d’accorder une attention particulière à la présence du vaisseau dans la conscience collective, allant jusqu'à employer un service dédié aux relations médias pour promouvoir et gérer les apparitions du 890 Jump dans des films, séries vid et autres productions. Le plus grand défi du projet, nota Wells en quittant l'entreprise après le lancement de 2858, n'était pas le travail accompli pour construire un design aussi improbable, mais de s’assurer qu’il continue de trouver un écho auprès des clients au fur et à mesure de sa banalisation. De l'avis général, Origin y parvient parfaitement depuis près d'un siècle.
Le changement le plus notable apporté au vaisseau survint en 2943, lorsque Origin ajouta des capacités de lancement et dévoila le vaisseau parasite 85x Limited, conçu sur mesure, désormais inclus avec toutes les commandes du 890 Jump. En octobre 2944, la PDG d’Origin Jennifer Friskers annonça qu’une nouvelle version était prête à entrer en production, avec l’ajout d’une piscine et d’autres aménagements jugés les plus adaptés aux célébrités des années 2940.
À propos de l'auteur

Passionné de jeux vidéo, j'attends avec impatience Star Citizen et Squadron 42 ! Mais qu'ils prennent leur temps, hein ! 😉